Dédicaces
- Guy Adrian
- 13 sept. 2017
- 4 min de lecture
Fin juin, en pleine promotion de mon livre au succès planétaire : Marylin et l'Ange turfiste, je me suis livré aux rituelles séances de signatures en librairie. Si un jour, on ne sait jamais, cela vous arrive, voilà comment ça se passe : on vous installe, dès l'ouverture, seul à une table où sont empilés vos bouquins. On vous sert un café, et en route. Vous avez mis des habits neufs, vous êtes récuré, pas un poil ne dépasse. Vous arborez un air avenant, mais pas prétentieux car vous n'allez pas faire croire que vous êtes le nouveau Victor ou Marcel ! Non, soyez modeste, franc et ouvert.
On s'arrête devant votre table, on prend en main votre bouquin, ça vous aimez ! On lit la 4ème de couverture, puis une page au hasard et on repose ce livre chéri, pas si gentiment, vous semble-t-il... sous-entendu : "Qu'est-ce que c'est que cette bouse ?". D'autres, sympas papotent avec vous : littérature, vie chère, météo, puis, posent la question : "Ça raconte quoi... exactement ?". Vous avez concocté un bon petit résumé, ça plait ! (Dans mon cas, expliquer en quelques mots un bazar comme Marylin, où se mêlent religion, évolution, cosmologie, génétique, énergie noire et PMU, ça n'est pas évident !). Heureusement, un bon nombre, très braves, prennent le livre que vous dédicacez en commençant par leur prénom et en terminant par un original "Bonne lecture !".
Ça se calme, vous regardez autour de vous : que des rayonnages de livres, de tous les styles et de tous les formats. Ils sont classés par genre, ce qui vous permet de vérifier, "de visu", ce qui se vend le mieux afin, pourquoi pas, d'essayer d'écrire un best-seller qui fera la fierté de votre éditeur et remplira (un peu) vos poches ! En face de vous, il y a justement le stand des "meilleures ventes" avec dessus plein de Musso-Lévy. Je les confonds toujours ces deux-là, pour ce qui est des ventes, ils sont régulièrement n°1 et 2 depuis des années. Vous vous dites : "Et si je faisais moi-aussi un bon thriller, genre Stephen King (énormes ventes mondiales, dix titres de lui sont là, sous vos yeux). vous allez écrire une bonne histoire un peu franchouillarde qui prend le lecteur aux tripes. Mais surtout pas une enquête policière gnan-gnan avec des flics fatigués aux prises avec des narco-trafiquants, ni une histoire de tueur en série de jeunes femmes blondes avec les sempiternels médecins légistes, profilers et mentalistes qui finissent par vous taper sur le système ! Tiens, justement, à portée de main, vous avez le dernier Fred Vargas, une grosse pile d'un pavé noir et blanc. Son héros, le commissaire Adamsberg y est encore plus dépressif que d'habitude : il en est réduit à élever des merles dans son commissariat et à les nourrir avec des framboises ! Personne n'achète ce polar. Bien fait !
Juste après les romans policiers, vous remarquez une forte activité devant le rayon intitulé "Romance". Intrigué, vous vous levez. Ah, ça fait du bien de se dégourdir un peu les jambes ! (Moi, sous mon pantalon au pli impeccable car repassé par mes soins, j'ai mis mes bas à varices, on n'est jamais trop prudent). D'entrée, chez "Romance", vous voyez 50 nuances de Grey, plus plein d'autres titres dérivés, en fait des livres porno-soft ou "porno pour mamans" (Mumy's Porn). Néanmoins, vous gardez en mémoire que 50 nuances de Grey s'est vendu à plus de 100 millions d'exemplaires, là, on ne rigole pas ! Avec des tirages pareils, votre éditeur vous érigerait une statue en or massif, vous seriez connu et respecté. En France, pendant trente ans les meilleures ventes étaient celles de SAS, par Gérard de Villiers : romans d'aventures, d'espionnage et de sexe où on était assuré, dès la page 30, de lire les détails de fornications du Prince Malko avec sa compagne Alexandra ou une espionne soviétique de service. Cette évocation nostalgique vous fait réfléchir... De retour à votre table, vous gardez un oeil sur ce rayon "Romance". Plein de dames de 18 à 60 ans s'y succèdent, elles cherchent l'auteur (ordre alphabétique) et hop, c'est fait. Vous repérez une dame frêle mais alerte, d'environ 85 ans, avec un sac LIDL plié sous le bras, elle y va, trois gros livres dans son sac et file à la caisse. Donc, on peut encore s'exciter à un stade avancé, ce qui est rassurant ! Un peu plus loin, la plupart des personnes âgées s'intéressent, elles, au dernier d' Ormesson, pour s'élever l'esprit et savoir si, après 50 volumes sur le sujet, il va, enfin, leur prouver que Dieu existe et qu'il s'occupera d'eux... après !
A l'heure de la fermeture, vous êtes convaincu que votre succès viendra d'un bon thriller farci de séquences de sexe bien hard. Ça vous paraît préférable à l'écriture, sous un pseudonyme, de niaiseries pornographiques débiles du genre "Romance". A voir !
P.S. : Pour moi, c'est fait : ça parle de mouches, de morts et de tueuses sans pitié. Je vous tiens au courant.
Prochain article : Votre intestin, le microbiote et la production intime.
A bientôt !!

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