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  • Photo du rédacteurGuy Adrian

"Vermeer et l'Art"


Bravo, chers Lecteurs, vous avez déjà vu ou vous vous préparez à voir l'exposition Vermeer au Musée du Louvre. Dix mille visiteurs par jour ! Il faut impérativement réserver à l'avance via Internet pour éviter les queues de plusieurs heures. Pour vous, La Laitière ne sera plus un yaourt ou une crème glacée mais un tableau peint en 1660 par Jan Vermeer de Delft, le grand maître de la peinture de genre. Salvador Dali, fou mais génial (jusqu'en 1960) proclamait avec son inimitable accent : "Il y a quatre grands peintres dans l'histoire de l'humanité, Raphaël, Vermeer de Delft, Velasquez et... moi-même, Salvador Dali !" On peut avoir un doute sur le quatrième, mais pas sur les trois premiers !

La Laitière fut considérée dès 1700 comme un chef d'oeuvre. Parmi les quarante tableaux de Vermeer, elle a une place à part car elle met en scène une simple servante, au lieu, comme souvent, d'une belle dame richement parée dans un intérieur bourgeois. Cette solide jeune femme fait couler avec précaution le lait d'une cruche dans un pot à deux anses. Dans cet acte simple, elle incarne la "servante pieuse" qui verse le lait, symbole biblique de la parole de Dieu. Le pain au premier plan du tableau et les petits pains, de même, sont en rapport avec l'eucharistie. En ces temps, on exigeait des domestiques un travail soigné et assidu, l'obéissance, le respect des maîtres et la crainte de Dieu. Aussi, tout tableau délivrait un message et exprimait des sentiments : coquetterie, vanité ou concupiscence mais, rien de cela dans le travail modeste de cette laitière. De même, La Dentellière, le seul tableau de Vermeer appartenant au Louvre, tout petit format, montre une femme très concentrée sur son ouvrage. En temps normal, elle est gentiment oubliée salle 39 au 2ème étage du musée et j'ai pu l'observer en tête-à-tête très souvent, sans bousculade. Dans ces deux tableaux, on sent une harmonie, une paix intérieur, tous les détails sont exécutés à la perfection, mais l'artiste se permet un certain flou au niveau des joues. Profitez de ces beaux visages au teint transparent car aucun tableau moderne ne vous les montrera : les pigments de l'époque, blanc de plomb (céruse), jaune de plomb, vermillon (sulfure de mercure) sont à présent interdits et remplacés par des pigments synthétiques. Le tablier bleu de la Laitière est fait à partir de lapis-lazuli, pierre semi-précieuse, très chère à cette époque et que l'on réservait à la Renaissance aux tuniques du Christ, des Saints et de la Vierge. Au total, Vermeer a utilisé 10 pigments qui, mélangés à l'huile ont permis ce miracle, ces pigments, sauf les noirs et les rouges carmins étaient composés de minéraux. Tous les apprentis-peintres apprenaient à préparer, broyer et mélanger les couleurs pendant plusieurs années, supports et châssis étaient réalisés avec soin pour permettre l'exécution d'oeuvre inimitables. Je vous conseille de voir un jour l'autoportrait d'Albrecht Dürer à la pinacothèque de Munich. Il porte la mention en latin de la main de ce fabuleux graveur et peintre : "Je peignais ainsi, moi-même, avec des couleurs impérissables, à l'âge de 28 ans". Ce fut écrit ainsi en 1500. Cinq siècles plus tard on confirme : IMPERISSABLE !

Je ne dirais pas la même chose de la plupart des oeuvres du 20ème siècle. Pour renouveler soi-disant l'Art et en particulier la peinture, des charlatans sans vrai bagage technique, dans l'unique but de faire parler d'eux se sont lancés dans des aventures picturales simplistes. "Carrée blanc sur fond blanc" (Malevitch), tableaux monochromes bleus ou roses (Yves Klein) ou noirs vaguement striés ou raclés à la brosse pour devenir "outre-noir", de Pierre Soulages proclamés "plus grand artiste français vivant" (sic) ! Plus fort encore, les artistes américains ont flairé le bon filon financier. Ils se sont lancés dans "l'art factory" employant une centaine d'employés, pour faire des reproductions à la chaîne de boîtes de soupe ou de portraits de Marylin comme Andy Warhol, affichiste provocateur dont l'exposition en 1990 attira 800 000 personnes à Beaubourg. Bien sûr, les fans d'avant-garde savent, eux, "décoder le message", comprendre la démarche de l'artiste. Cette nouveauté très pauvre, nulle dans sa réalisation, 25 ans plus tard continue à inonder le marché sous forme de coussins et de rideaux de douche à l'effigie de Marylin. Oui, rideau ! Ce n'est pas l'exposition Jeff Koons en 2015 qui m'a fait changer d'avis sur cette sur-évaluation et le merchandising abusif de l'art. Cet artiste plasticien de style "néo-pop" est connu pour ses "chiens-ballons" géants et ses statues hyper-réalistes de Popeye et Michael Jackson. Il a ainsi mis en scène sous le titre "Made in Heaven" ses copulation avec sa femme, l'actrice porno et député italienne Anna Staller dite "Cicciolina". La douzaine de photos repeintes de 2x2 mètres ne laissaient rien ignorer de leurs intimités. Ce jour là, j'étais en train de contempler le trou de balle agrandi à 10 centimètres de l'ex-madame Koons en me disant qu'il avait apparemment beaucoup servi, lorsqu'un groupe de dames touristes américaines âgées, aux cheveux bleus-violets et grandes lunettes a fait irruption dans le secteur avec force, gloussements et piaillements d'indignation. Le choc des cultures !

Laissez ces inepties aux gogos patrons de CAC 40 et aux milliardaires chinois pour qu'ils les entassent dans leurs musées privés. Puisque vous êtes au Louvre, continuez votre visite au 2ème étage, peinture française du 17ème au 19ème siècle. Avant les Delacroix et Géricault, vous verrez Fragonard et ses tableaux coquins (Le verrou) et Jean-Baptiste-Siméon Chardin. Ce peintre avait un talent quasi-surnaturel pour mettre en scène des objets. Arrêtez-vous devant Le vase d'argent, regardez à 50 cm de distance : c'est un amas de couleur gris-verdâtre avec quelques traits blanc. Reculez à 3 mètres, et là... ce gobelet (ou vase) argenté sort du tableau ! Magique ! Tout est dit... c'est ça l'ART !

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