"Qu'avez-vous fait du corps ?"
- Guy Adrian
- 23 mars 2017
- 4 min de lecture
Après mon article assez aride sur ce blog consacré à l'apparition de la vie, voyons comment la faire disparaître. Commençons pas un peu de fiction : vous avez eu récemment un gros problème avec votre conjoint invivable ou votre belle-mère acariâtre, ou, peut-être avec un rival furieux et vindicatif, voire même avec une personne qui aurait souscrit une assurance vie en votre faveur et qui s'accrocherait à cette vie. Lors d'une vive dispute, suivie d'un accident fatal, vous vous retrouverez avec un mort sur les bras. Comme vous n'avez pas envie de passer quelques années dans une prison vétuste et surpeuplée, vous voulez faire disparaître ce corps discrètement. Oui, mais comment ? Si vous poser la question sur Internet, les trois forums dédiés à cette question ne vous donneront aucune réponse précise et efficace. Par contre, en suivant certains avis, vous risquez de vous embarquez dans une aventure dégoutante qu'il faut éviter à tout prix.
La quasi-totalité des "conseillers techniques" sur les sites prônent la dissolution du macchabée façon Breaking Bad (2008-2013). Dans cette série télé, un professeur de chimie apprend qu'il est atteint d'une cancer du poumon en phase terminale, il sombre dans le crime pour assurer l'avenir financier de sa famille et se lance dans la fabrication de methamphétamine. Incidemment, il tue un petit trafiquant qui prétend l'empêcher de monter son business. En bon chimiste, pour se débarrasser du corps, il veut le dissoudre et ça ne se passe pas tout seul ! Il sait que 99% du corps humain est composé de six éléments seulement : oxygène, carbone, hydrogène, azote, calcium et phosphore, il se dit que l'acide le plus fort, HF ou acide fluorhydrique va dissoudre les tissus et les os, et hop, après on vide à l'égout, on rince vite fait c'est tout bon ! Et bien non, pas vraiment, d'abord les émanations de gaz toxique sont terribles et l'acide ultra-puissant dissout aussi la baignoire avec le corps ! De plus, cet acide, vous ne le trouverez pas chez le droguiste du coin. Si vous n'êtes pas un vrai pro de la chimie super-équipé, oubliez !
On se rabat donc sur l'acide sulfurique, un classique régulièrement utilisé pour la disparition-dissolution des corps. Récemment, deux éminents truands belges ont été dissous avec cet acide dans des fûts retrouvés à l'intérieur d'une voiture en mai 2016 (Le Parisien du 19 mars). Très décidés, les bandits ont également liquidé le droguiste fournisseur de l'acide qui était susceptible de les dénoncer. Comme ça ne suffisait pas, ils ont aussi attaqué et incendié le siège de l'institut de criminologie belge pour récupérer une chaussure oubliée dans la voiture qui aurait pu les incriminer. Ça ne rigole pas Outre-Quiévrain, on a de la suite dans les idées !
Plus près de chez nous, à Toulouse, en août 2015, quatre brillants jeunes gens étudiants en classes préparatoires dealaient amphétamines et divers produits récréatifs. Suite à un petit différend commercial, la jeune fille du groupe fut trucidée et stockée à l'intérieur d'une caisse en plastique remplie d'acide. Tous les jours, les trois lascars venaient vérifier l'avancement du processus de dissolution et désodorisaient les lieux... jusqu'à leur arrestation. Bien sûr, en bon passionnés de série télé, ils affirmèrent s'être inspirés de Breaking Bad.
Les scénaristes de cinéma, toujours friands de meurtres et de cochonneries abjectes destinés à soulever l'estomac du spectateur ne sont pas en reste. Dans Nikita (1990) Luc Besson envoie "Victor le nettoyeur" (Jean Reno) muni de deux bouteilles d'acide sulfurique pour se débarrasser d'un corps : petits moyens dans un film à gros budget, en fait 100 litres d'acide sont nécessaires, on est loin du compte. Beaucoup plus réaliste est le scénario de Trio Infernal de Jean Girod (1974), inspiré d'un fait divers sanglant à Marseille en 1919. Un avocat véreux joué par Michel Piccoli aidé par deux soeurs (l'une est la merveilleuse Romy Schneider) monte une escroquerie aux assurances-vie en liquidant les souscripteurs. Lors de scènes bien crades, l'acide arrive par touries de 20 litres et ça ne rigole pas. On touille pendant des jours les corps découpés dans la baignoire et après décomposition, le jus est transporté par seaux dans une fausse creusée dans le jardin. Le trio d'acteurs est vraiment très bien, ils portent tabliers, gants et masques à gaz, on s'y croirait. Mais après avoir vu ça, on comprend que cette méthode n'est pas à conseiller.
Une variante utilisée dans le passé est la macération dans la soude pratiquée par la première "Serial-Killeuse" italienne, Léonarda Cianculli (1894-1970) qui grâce à la soude caustique transformait ses victimes en savon. Le problème est qu'il reste les os ! Qui a envie de garder le squelette de sa victime assis dans son salon ?
La dissolution n'étant pas la solution, que dire de l'enterrement privé plus ou moins discret dans un jardin ou une forêt avec en option chaux vive et ciment : trop de fouineurs et de chiens gratteurs. A éviter !
L'autre méthode classique est le découpage suivi d'une combustion en chaudière (Docteur Petiot, 40 victimes en 1945), ou en petit fourneau comme l'inventeur de la femme au foyer, Henri-Désiré Landru (1919). Pour avoir vu de mes yeux la toute petite cuisinière fatale, je peux vous dire qu'il lui a fallu découper les douze malheureuses dames, subjuguées par son sex-appeal et sa barbe noire, en minuscules morceaux. Pour ce faire, il avait acheté, avec factures, beaucoup de lames de scie, ce fut la principale preuve de ses forfaits. Les deux lascars ont été guillotinés, car les Jurés d'Assises n'aiment pas les "découpeurs" même si, avec les tronçonneuses et disqueuses, on a fait des progrès depuis. Reste la combustion en foyer fermé, dans une voiture volée, incendiée. Ce sketch est très populaire dans le Sud de la France sous le nom de "barbecue marseillais". Mais attention aux traces ADN, les "Experts" veillent.
Un dernier conseil : maîtrisez vos nerfs, ne vous laissez pas entraîner à des accès de violence regrettables qui pourraient vous amener à vous retrouver assis, menotté, lumière dans les yeux, en face d'un enquêteur qui vous répétera en boucle la question : "Qu'avez-vous fait du corps ?"

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