Comme un soleil
- Guy Adrian
- 30 déc. 2016
- 4 min de lecture
La fusion d'atomes d'hydrogène est le futur de l'énergie. Elle vient de l'origine de l'Univers, sans elle, il n'y aurait pas d'étoiles, ni de Terre, ni de vie.
Il y a des milliards d'années, les atomes d'hydrogène, dans tout l'Univers se sont rassemblées en nuages sous l'effet de la gravité, sont entrés en collision et ont fusionnés pour donner des atomes d'hélium et beaucoup d'énergie. En effet, la masse en fusion disparue crée de l'énergie (E=mc², m = masse, c = vitesse de la lumière). ainsi notre soleil, chaque seconde, brûle 600 millions de tonnes d'hydrogène qui est transformé en hélium : c'est la fusion.
Cette colossale libération d'énergie a été le fantasme des atomistes et militaires qui l'ont reproduit dès 1952 avec des tonnes de TNT, trinitrotoluène, explosif de référence. Heureusement, aucune de ces bombes n'a été utilisée dans les conflits terrestres, mais ce sont des bombes A (type Hiroshima, à fission) qui servent d'"allumettes" à ces bombes H.
Dès les années 1950, les physiciens nucléaires réfléchirent aux moyens de réaliser en Laboratoires des fusions extrapolables en vue de l'exploitation de cette formidable source d'énergie "propre". La réaction de fusion la plus efficace est celle de deux isotopes de l'hydrogène : le Deutérium (D) et le Tritium (T). Portés à une température de 150 millions de degrés, ils produisent de l'hélium plus un neutron de l'énergie. A cette température, le mélange gazeux devient un plasma. Pour obtenir une densité de particules suffisantes, il doit être comprimé et confiné au moyen de champs magnétiques, le plus longtemps possible, sans détruire l'installation où il a été produit. Le premier moyen choisi pour enfermer le plasma a été le TOKAMAK, cylindre creux fermé sur lui même : un tore. Lors de la fusion, les noyaux d'hélium formés resteront confinés dans le plasma, mais 80% de l'énergie produite sera expulsée et chauffera les parois du TOKAMAK. Il n'y aura plus qu'à récupérer cette chaleur pour obtenir de la vapeur qui actionnera un turbo-alternateur. Simple et propre, n'est-ce pas ? La matière première Deutérium se trouve dans l'eau de mer (33mg par litre) et le Tritium est généré dans le réacteur. Le produit obtenu, l'hélium est un gaz inerte présent dans l'atmosphère. L'énergie potentielle de la fusion est supérieure à toutes les sources d'énergie terrestres (4 millions de fois celle de la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz) et 4 fois celle de la fission mise en oeuvre dans les centrales nucléaires, cette fois sans déchets radioactifs, ni CO2, ni particules. Le rêve !
Enfin, plutôt un rêve en mode ralenti ! C'est en 1968 que des chercheurs soviétiques, qui eux, n'étaient pas occupés à manifester, développèrent la machine TOKAMAK. En France, dès 1991, on a réalisé des brèves fusions dans le réacteur Tore-Supra et on a obtenu des températures de centaines de millions de degrés. En Provence, à Cadarache, 6 pays plus l'Europe construisent le réacteur ITER dont l'objectif, à partir de 2020, est des fusions pendant 500 secondes et pour 50 mégawatts consommés fournir 500 mégawatts. Après 10 ans d'essais, en 2030, un nouveau projet international, DEMO, établira la capacité de ces machines toniques à produire de l'électricité, en vue de la construction de centrales à fusion à partir de 2040, à condition que les réacteurs soient fiables et supportent ces températures colossales. Actuellement, les parois des tores sont en tungstène, métal le plus résistant, mais il faudra beaucoup progresser.
Parallèlement, dès 1960, un procédé de fusion initié par Laser a été étudié aux USA et au "Laser Mégajoule" près de Bordeaux. Là, dans une salle de 300 mètres de long, 240 faisceaux lasers sont dirigés sur une petite sphère contenant du mélange Deutérium-Tritium, disposée au centre de la chambre d'expérience, dans un bâtiment de 50 mètres de haut ! Lors des tirs, le gaz comprimés dans la sphère atteint des densités de l'ordre de celle qui règne au coeur du soleil, et pendant quelques fractions de secondes produit l'énergie de fusion. Mais ce n'est pas demain, non plus, que l'on va transformer ces lasers en fée électrique ! Là aussi, 2050 est la date possible pour des centrales utilisant cette technologie.
Face au gigantisme et à la complexité de ces projets pharaoniques, des start-ups américaines depuis deux ans proposent des technologies de fusion simplifiées. Elles pourraient commercialiser dès 2025-2030 des réacteurs à fusion pour fournir de l'électricité et même propulser des fusées spatiales. ces nouveaux acteurs sont sponsorisés par les magnats de la nouvelle économie : Peter, Paul, Jeff et même Bill. Tous ont flairé le bon filon : une énergie abondante, sans limites... Oui, mais pas gratuite, comme l'avait imaginé le génial Nikola Tesla, il y a plus d'un siècle.

Voilà, cette revue de la production d'énergie et d'électricité, de Gaston Planté au Laser Mégajoule est terminée. J'ai essayé d'être exhaustif, sans mentionner les projets farfelus et les canulars, genre "fusion-froide". Des progrès énormes ont été accomplis en 20 ans pour les batteries, espérons que les autres techniques suivront et, qu'à tout moment, on pourra faire face à la croissance de la demande électrique sans subir la "Grande Panne" dont les catastrophistes du Web nous fournissent le scénario ! Par exemple : en plein hiver, de nombreuses centrales sont à l'arrêt, une grande vague de froid polaire s'abat sur l'Europe, il n'y a pas de vent ni de soleil. A la fin de leur journée, les foules transies veulent se réchauffer et se connecter. Blam, tout devient noir, quelques heures, une nuit, un puis deux jours. Pas de télé, ni Internet, ni smartphones chargés. Le froid règne partout, pas de chauffage, nourriture froide, plus de carburant, désordres, pillages, nécessité d'avoir de l'argent liquide pour manger...
Pas gai, n'est-ce pas ? Nul doute que certains seront tentés, à terme, par des systèmes d'énergie autonomes, genre "Power Wall", mais ne tombons pas non plus dans la paranoïa des années de la guerre froide où la mode était de construire des abris anti-atomiques dans les sous-sols et les jardins. Heureusement ils n'ont pas servis ! Sachons raison garder et ayons un oeil critique sur les nouvelles technologies émergentes pour choisir les mieux adaptées.
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