La batterie n'est pas en danger !
- Guy Adrian
- 14 déc. 2016
- 6 min de lecture
En ce matin d'hiver, bien installé derrière le volant, vous avez mis le contact, la batterie de votre voiture (essence ou diesel) a répondu sans faiblesse. Vous avez démarré en oubliant encore de remercier Gaston ! Oui, Gaston Planté, l'inventeur en 1859 de cette batterie plomb-acide celle qui a permis aux premières voitures électriques fiables et silencieuses de vitesses record, à l'époque : 100 km/h pour la "Jamais Contente" en 1899. Par contre, leur faible autonomie de quelques dizaines de km les a limitées à un usage urbain. Puis, on les a oubliées pendant un siècle, au profit de nos super-bagnoles ultra-performantes roulant au pétrole et dérivés. On a quand même gardé une batterie au plomb par voiture pour lancer le démarreur, ça a fonctionné très bien pendant plus d'un siècle.
Mais voilà, à présent, la raréfaction et le coût du pétrole, la pollution, l'effet de serre, les vilaines émissions de gaz carboniques, d'oxydes d'azote et de particules fines poussent, au nom de l'air pur et du silence retrouvé, la bagnoles-pétrole vers la sortie. Et ce n'est pas l'épisode météo de ces premiers jours de décembre 2016, avec circulation alternée à Paris - et pour la première fois à Lyon - qui peut nous rendre optimiste ! De plus, l'affaire du trucage des performances moteurs va accélérer le mouvement vers le tout électrique comme vient justement de l'annoncer Volkswagen en cette fin 2016.
Voyons un peu, imaginons un "cahier des charges" pour une voiture électrique idéale : 4-5 places, bonne accélération, freinage efficace avec récupération d'énergie, puissance : de 60 à 100 kilowatts-heure, poids maxi des batteries : 100 kg, autonomie de 800 km (500 miles), temps de charges : 5 à 10 minutes, prix : celui d'une berline essence de même taille : 25 000 € maxi. Pas gagné dites-vous ? On va voir !
Comme la clef du problème est la performance des batteries, survolons un siècle de leur développement. Après le plomb, le nickel, le cadmium apparaissent en 1990 les premières batteries Lithium-ion qui ont permis le démarrage de la téléphonie mobile. En 1986, l'ancêtre du smartphone, le Matracom équipé d'une batterie au plomb avait la taille d'une valise ! Ensuite, grâce à sa batterie Li-ion, mon premier Nokia, en 1990, entrait dans la poche de mon pantalon, pour y faire une grosse bosse peu esthétique. Aujourd'hui, mon beau smartphone chinois, rectangulaire ultra-plat tient le creux de ma main ! C'est mon fidèle compagnon, je n'ai qu'à lui donner un peu d'électricité tous les deux jours. Comme le mien, votre téléphone et votre tablette sont équipés d'une batterie lithium-ion de dernière génération dans laquelle, durant l'utilisation, une petite chimie amusante s'effectue jusqu'à la décharge complète. Le lithium, élément métallique le plus léger, y est transformé en ion lithium et électron. Ces électrons partent dans le circuit, c'est l'électricité qui fait fonctionner votre joujou préféré et qui vient de vous permettre d'envoyer un texto à votre chéri(e). Les ions lithium, eux, vont s'échanger réversiblement entre une électrode positive contenant du cobalt et une électrode négative en graphite (carbone). Ces ions lithium se déplacent dans un liquide mélange de solvants organiques et de sels (LiPF6), c'est l'électrolyte. Cette année, on en a fabriqué plus de 10 milliards, elles sont fiables et sûres, équipées d'un système de sécurité à la charge et à la décharge qui ne doit jamais être inférieur à 5% du minimum. Les problèmes de ces batteries sont : la durée de vie (au minimum 300 cycles), la puissance, la durée de charge - toujours trop longue - et, surtout, d'éviter la surchauffe, avec dégagement d'hydrogène et explosion, comme récemment les Galaxy Note 7 retirés du marché.
Alors, pourra-t-on produire une batterie miracle, super-puissante, à charge rapide ? Depuis deux ans, la presse spécialisée et Internet bruissent d'une rumeur : ça y est, il y a eu un "breakthrough", grâce à un nouveau composé paré de toutes les vertus : le GRAPHENE. C'est du carbone, version graphite (la mine du crayon de papier), mais en couche mono-atomique, imaginez un tapis d'hexagones reliés entre-eux et à chaque sommet, un atome de carbone. Pour faire sérieux, je vous cite l'Université de Manchester où il a été découvert par deux physiciens qui ont eu le prix Nobel 2010 : "le Graphéne est 200 fois plus solide que l'acier, c'est le matériau terrestre le plus fin (un million de fois plus fin qu'un cheveux). C'est le meilleur conducteur électrique existant, il est étirable, transparent, souple, imperméable. C'est aussi le premier matériau qui existe en deux dimensions".
Et, d'après un consultant spécialisé : "Le graphéne aura pour le monde moderne et l'Humanité le même impact que le Fer, lorsqu'il a remplacé le Bronze 1 500 ans avant J.C., en révolutionnant les techniques de l'époque".
Pour en revenir au sujet, aux USA, l'Université de Stanford a développé une batterie Li-ion très performante en remplaçant les électrodes en graphite par du silicium plus graphéne, et c'est TESLA qui va produire ces super-batteries dans la "Gigafactory" qu'il construit à Sparks dans le Nevada. Le préfixe Giga, ici, convient parfaitement : en 2018, ce sera le plus grand bâtiment terrestre avec 1 million de m2 au sol. Il produira 5 milliards de batteries lithium-ion, la moitié de la production mondiale, soit une capacité de stockage de 35 gigawatts-heures. Cette usine sera entièrement robotisée, et, comme le dit Elon MUSK, PDG de Tesla : "les machines fabriqueront des machines". Là, des batteries de smartphones, des batteries de voitures performantes : autonomie 800 km, recharge en 8 minutes, 3000 cycles de charge-décharge. Il préconise les "Power-Packs", batteries Lithium-ion couplées à des panneaux solaires. Ainsi, chaque individu pourra produire sa propre électricité pour ses usages privés. Le but de M. Musk est de fabriquer 2 milliards de ces Power-Packs, pour simplement en finir avec le pétrole, le gaz et le charbon sur toute la Terre dès 2030. Waouh, ça c'est très fort : finie la pollution de la Planète, à vous l'air pur chers Amis (pour moi, ça sera trop tard) ! Vous vous dites que ce M. Musk est 100% mégalo, que ça ne peut pas marcher...
Peut-être bien que si, car il a quand même fait PayPal, Space X avec ses fusées mises au point dès 2002 qui ont remplacées celles de la NASA pour alimenter la Station spatiale et aussi Tesla Motors pour la production de voitures électriques haut de gamme. Sa devise semble être : "On le dit, on le fait". Allez sur Google Earth, vous verrez la première tranche de l'usine inaugurée en juillet 2016 soit 200 000 m2.
Une autre technologie liée au Graphéne a surgi fin 2014 et a agité le monde de l'Energie : les "Supercondensateurs" destinés à stocker rapidement l'énergie électrique puis à alimenter en électricité les appareils domestiques et bien sûr les moteurs des voitures. Un supercondensateurs, c'est encore deux électrons séparés par un électrolyte. Cette fois, les ions baladeurs ne vont pas rentrer dans les électrodes, mais rester à leur surface. On sépare ainsi les + et - ensuite, on décharge l'énergie emmagasinée dans le champ électrique, sous forme d'un courant et donc on peut alimenter des appareils. Les supercondensateurs peuvent supporter des millions de cycles de charge et se rechargent 100 à 1000 fois plus vite que les batteries. Jusqu'ici, on ne les a utilisés que dans les tramways et des bus, mais en Espagne, une société productrice de Graphéne a annoncé la fabrication industrielle dès 2017 de supercondensateurs graphéne-polymére d'une puissance de 1000 watts par kg au lieu de 180 watts/kg pour les batteries lithium-ion, pour 1/3 de leur prix !! Avec cette nouvelle technologie, pour les batteries de smartphones, le temps de charge serait de moins d'une minute et 8 minutes maxi pour une batterie de voiture de 100 kW-heure. L'usine devait être construite sous le nom de Grabat-Energy près de Cordoue. Pour l'instant, pas de nouvelles, ce qui excite furieusement les forums du Web !
Quoiqu'il en soit, les super-voitures électriques silencieuses, confortables, économiques et rapides à charger sont pour demain. Si en plus, leur prix est correct, ça ne serait pas un rêve, des fois ? Pour ne rien vous cacher, chers lecteurs, j'ai un doute moi aussi !
Faisons ensemble un peu de fiction : nous sommes en 2025, je viens d'acheter une voiture électrique fabriquée en France, sous la marque Dongleng, le numéro 1 de l'automobile chinoise qui vient de racheter Peugeot. J'étais resté fidèle à cette marque française pendant 50 ans, donc pas de raison de changer n'est-ce pas ? Cette voiture est confortable, sa puissance est de 100kW, elle est capable de rouler à 130 km/h, mais je respecte strictement toutes les limitations de vitesse. J'ai fait dans la journée un aller-retour Lyon-Montpellier sans recharger, mais à présent ma batterie est en limite basse. Ainsi, je rentre chez moi et dans mon garage, je veux faire une charge complète comme prévu, en 8 minutes, car je dois emmener ma famille au cinéma et partir en week-end demain. J'ai conscience qu'il va falloir faire rentrer beaucoup d'électricité dans cette batterie. Heureusement, les spécialiste EDF-RTE ont prévu le coup ! Le collectif d'usagers de mon lotissement a obtenu une ligne haute tension. Ils voulaient nous mettre un pylône juste derrière mon joli jardin, mais après moult réunions et discussions, nous avons obtenu une ligne enterrée et un poste de transformation tout neuf. Avec les travaux, la rue a été éventrée pendant 6 mois, ç'a été le bazar ! Mais maintenant, je suis prêt, j'ai branché ma voiture, je n'ai plus qu'à appuyer sur l'interrupteur, j'approche mon doigt...
La suite au prochain numéro !
N.B. : C'est ce qu'écrivait Alexandre Dumas à chaque épisode de ses romans publiés dans les gazettes

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